« Ce que je crains le plus pour mes fils… »

Elisabeth Mutschler est envoyée par les Eglises protestantes de France auprès du Conseil oecuménique des Eglises. Elle est accompagnatrice des populations palestiniennes dans la Vallée du Jourdain dans le cadre du programme oecuménique d’accompagnement en Palestine et Israël (EAPPI). Le 31 octobre 2016, Elisabeth Mutschler a rencontré quatre femmes du camp de réfugiés Aqbat Jaber, près de Jéricho. Elle adresse cette lettre au Défap.

(de gauche à droite) Rabab, Um Fares, Jamileh et Nihaya 

© Photo EAPPI / E. Mutschler

Um Fares est la présidente du UN Women’s Centre du camp de réfugiés Aqbat Jaber près de Jéricho, une association administrée par des femmes du camp et offrant des programmes à caractère social et éducatif visant principalement un public féminin. Depuis 2015, elles gèrent aussi quelques chambres d’hôtes pour randonneurs et autres, une étape sur le ‘Sentier d’Abraham’ *.

* Abrahampath.org

Le camp d’Aqbat Jaber fut créé en 1948 par l’UNWRA (agence de l’ONU en charge de l’aide aux réfugiés palestiniens) suite à la première guerre israélo-arabe. Avec ses 50.000 habitants originaires de plus de 300 villages du nord de Haïfa et des régions de Gaza et d’Hébron, il fut longtemps le plus grand camp de réfugiés de Palestine. La plupart de ses habitants fuirent en Jordanie lors de la guerre de Six Jours en 1967.
Aujourd’hui le camp compte environ 6000 habitants et ressemble un peu à une banlieue de Jéricho.

Le camp de réfugiés Aqbat Jaber dans la Vallée du Jourdain
© Photo EAPPI / E. Mutschler

Um Fares nous explique :

Bien sûr, la vie dans notre camp est très difficile sur le plan matériel et financier. Les coupures d’électricité sont fréquentes, nous manquons d’eau, surtout l’été * . Les deux écoles de l’UNWRA sont surchargées, l’accès aux soins est difficile. Le chômage est très élevé, surtout celui des jeunes, en raison des restrictions à la liberté de circulation et du système de permis de travail imposés par l’occupation israélienne.

Mais ça va, nous nous épaulons mutuellement.

C’est sur le plan psychologique que la situation est beaucoup plus difficile à supporter. Nous les femmes, nous vivons dans la crainte permanente de ce qui pourrait arriver à nos fils, nos maris, nos frères : sont-ils en danger ? vont-ils rentrer ? l’armée viendra-t-elle les arrêter en pleine nuit à la maison ? C’est cela que je crains le plus pour mes trois fils, car personne ne devrait avoir à supporter les souffrances et les humiliations qu’on leur fait subir dans les prisons israéliennes.

 

* Consommation par jour et par habitant : 70 litres. Le minimum recommandé par l’OMS est de 100 litres.

Rabab, Amouna, Nihaya, Ourouba, Intizar, Jamileh … : elles sont toutes touchées par ce problème ou l’ont été dans un passé récent.

Jamileh, par exemple, raconte l’arrestation de son fils de 14 ans en 2012 :
Des soldats en tenue de combat ont fait une irruption brutale dans la maison alors que tout le monde dormait, bousculant tout et tous sur leur passage. Ils ont tiré Ahmed du lit en hurlant des insultes et il n’a même pas pu s’habiller. Quand je leur ai demandé où ils l’emmenaient, ils n’ont pas daigné me répondre et m’ont poussée de côté. Il a été accusé d’avoir jeté des pierres et a été libéré au bout d’un mois.

Le frère de Nihaya a été arrêté pour la première fois à l’âge de 13 ans. Avant l’aube lui aussi. Il était petit pour son âge, maigrichon mais plein d’énergie et il s’est tellement débattu que les soldats ont eu beaucoup de mal à se saisir de lui. Alors ils l’ont frappé très fort pour le calmer… Nihaya et sa mère hurlaient pour qu’ils s’arrêtent. A la fin, il ne pouvait même plus marcher et ils ont été obligés de le traîner. Il avait été vu dans la rue, lors d’un affrontement entre des jeunes et des soldats et était suspecté d’avoir lancé des pierres. Pour Nihaya, ce fut le jour le plus horrible de sa vie.

Chacune d’elle aurait une histoire à raconter…

Intizar celle de l’arrestation de son fils de 16 ans et demi par un policier habillé comme un palestinien, avec le keffieh noir et blanc.

Ou encore Amouna dont le frère, majeur maintenant, est détenu à Beersheba en Israël et auquel elle ne peut rendre visite que difficilement, malgré l’aide de la Croix Rouge qui s’occupe des autorisations et de l’organisation des convois (escortés par l’armée). A noter que d’après l’article 76 de la 4e Convention de Genève, les ressortissants d’un territoire occupé devraient purger leur peine sur leur propre territoire…
 » Il faut serrer les dents, dit-elle, quand on passe les contrôles aux checkpoints sur le trajet, et pour les deux fouilles avant d’entrer dans le centre pénitentiaire ; une fois j’ai même dû subir une fouille au corps, alors que je n’étais qu’une simple visiteuse et qu’une double paroi en verre blindé vous sépare des détenus ».

Intizar et Amouna

© Photo EAPPI / E. Mutschler

Et Um Fares de conclure :
« Cette grande douleur ne nous quittera pas tant que nous aurons des enfants en prison, tant que nous devrons vivre sous l’occupation, tant qu’il y aura des réfugiés dans les camps de réfugiés… »

 

 

Jéricho, le 31 octobre 2016

Elisabeth Mutschler

 

NB : les avis exprimés dans cette lettre n’engagent que le programme oecuménique EAPPI France.

 

La détention des mineurs palestiniens

 

  •  Environ 500 à 700 mineurs palestiniens sont arrêtés chaque année.
  • Fin février 2016, 440 jeunes étaient détenus, dont 104 enfants entre 12 et 15 ans.
  • Le nombre des arrestations est en augmentation depuis 2015.
  • La plupart d’entre eux sont condamnés pour jets de pierres, la peine maximale pour ce délit pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement.
  • Ils sont jugés par des tribunaux militaires. Un tribunal militaire pour enfants de 12 à 15 ans a été créé en 2009.
  • Les parents ne peuvent pratiquement pas être présents lors des interrogatoires.
  • La première rencontre avec un avocat se fait souvent juste avant d’entrer au tribunal.
  • Le recours à de mauvais traitements semble systématique pour les arrestations, les interrogatoires et la détention (cf Unicef  6.3.2013 / 13.2.2015 ‘Children in Israeli military detention’)

 

Ces pratiques violent le droit international résultant des conventions ratifiées par Israël, que ce soit le pacte des droits civils et politiques de 1966, la convention interdisant la torture et les traitements cruels et dégradants de 1984 ou la convention des droits de l’enfant de 1989 (notamment de son article 37). Elles affectent durement la vie de milliers d’enfants palestiniens.

 

 

Collégiens arrêtés dans la cour de leur école
© Photo EAPPI / E. Mutschler

Le 14 octobre 2016, à New York, le Directeur de l’ONG israélienne B’Tselem s’exprimait devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Depuis ce jour, son directeur Hagaï El-Ad est violemment pris à partie en Israël, où des politiques proposent de le destituer de sa nationalité israélienne comme « traître » à son pays alors que le directeur de B’Tselem a simplement osé dire ce qui était inacceptable car en contradiction flagrante avec les règles fondamentales auxquelles les plus hautes autorités d’Israël prétendent se référer. Récemment, Hagaï El-Ad s’est exprimé sur ses positions dans le journal israélien Haaretz.

Consulter ici la traduction de cet article

         

                                                                                                              




Attentat de Tel Aviv : l’escalade de la violence

Mercredi 8 Juin, une attaque meurtrière est perpétrée dans l’un des endroits les plus populaires de Tel Aviv : le marché Sarona. Le lendemain, les autorités israéliennes décident de geler les permis d’entrée de 83 000 Palestiniens. Le Défap réaffirme son engagement pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens.

 

Dans un Proche Orient largement perturbé, cet attentat vient en rajouter dans l’escalade de la violence. Tel Aviv est une belle ville, le quartier Sarona un quartier populaire, les terrasses de café des lieux de vie, de convivialité et de liberté. C’est là que les terroristes ont frappé. 4 morts et des dizaines de blessés.

Le Défap adresse ses sentiments de fraternité et de solidarité aux familles endeuillées, à tous ceux qu’il connait en Israël et au peuple israélien.

 

Centre-Ville de Tel Aviv

 

Parce que nous sommes engagés dans le combat pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens, dans le cadre du programme EAPPI (Ecumenical Accompaniment in Palestine and Israël) mené par le Conseil Œcuménique des Eglises (COE), le Défap au nom des Eglises Protestantes de France dénonce et combat le terrorisme sous toutes ses formes à Paris, Tel Aviv ou Hébron.

Pour les peuples qui vivent en Israël et Palestine, ce n’est que dans la sécurité aujourd’hui, et dans l’espérance de la fraternité de demain, qu’une paix juste pourra se forger. Tout le contraire de l’escalade de violences que nous déplorons.




Situation des bédouins, démolitions & récoltes

Situation des bédouins, démolitions & récoltes
Village bédouin de Ja’ba

 

« Le chef de ce village est propriétaire de la terre que son père a achetée avant 1967, ce qui n’est pas courant ; avant 1948, ils vivaient dans le désert du Néguev d’où ils ont été chassés. Son père a construit une belle maison en pierres qui est toujours là. Ils sont considérés comme réfugiés mais peuvent rester sur leur terre.

Mais, depuis, la colonie d’« Adam » s’est construite au bord de leur village, et sur une partie de leurs terres et de l’autre côté, on a construit une autoroute qui les sépare du reste du village.

Il y a maintenant trente-cing familles ici, isolées et coincées entre cette colonie et une autoroute. (…) Et les enfants devaient traverser l’autoroute à pied pour aller à l’école !

 

Claude Smith, DR

A droite, Claude Smith, à Jérusalem DR

 

Les bédouins ont demandé un permis de construire une école sur leur propre terrain, ce qui leur a été refusé. (…) ils n’ont pas le droit de construire « en dur » (…) : tout leur est interdit même de planter, tout est réglementé par des lois militaires. (…)

[Le chef du village] a décidé de construire une école (primaire) pour les cinquante-cinq enfants du village, illégalement évidemment. Avec quelques subventions européennes ils ont acheté quelques « baraques » en tôle qu’ils sont en train d’installer…avec un toit pour la cour.

 

Dans un autre village de bédouins Khan Al Amar, (…) le chef de village a également décidé de construire une école illégalement : elle est entièrement faite de pneus, et recouverte de torchis. Quatre-vingt-dix enfants de 6 à 14 ans la fréquentent.

Mais les colons ont demandé la destruction de l’école et le chef de village qui travaillait comme maçon dans la colonie a perdu son travail, en représailles, ainsi que tous les autres hommes du village. (…)

 

Il y a beaucoup d’écoles illégales en Palestine, presque dans chaque village ; grâce à des fonds internationaux, ils peuvent parfois confectionner une école de fortune, avec quelques jeux et toboggan…

Elles ont toutes reçues des ordres de démolition, mais, en attendant, la vie continue…

Les Palestiniens ont le taux le plus élevé de gens éduqués dans le monde arabe. »

 

Démolitions

 

« Alors que nous étions en visite dans le village bédouin de Ja’ba dans la banlieue de Jérusalem, nous avons reçu une alerte nous informant qu’une maison était en cours de démolition dans la ville de Beit Hanina.

(…) quelle ne fut pas notre surprise d’apprendre qu’il s’agissait d’une démolition programmée par le propriétaire lui-même avec un bulldozer qu’il avait loué !

Il avait en effet une date butoir pour démolir sa maison sinon l’armée viendrait le faire elle-même et ça coûterait deux à trois fois plus cher. Car le propriétaire doit payer cette opération ainsi que le ramassage des débris… Sans compter que ça permet de récupérer les panneaux solaires parfois, des portes et des fenêtres pour une éventuelle reconstruction…

 

(…) le permis de construire ne lui ayant pas été attribué, il n’avait eu d’autre choix que de construire illégalement pour abriter sa fille veuve avec huit enfants ; et après quinze ans, malgré trois procès en justice, et trois amendes à payer, il a dû finalement détruire lui-même cette maison (…)

 

Une demande de permis de construire coûte une fortune pour les Palestiniens et la réponse peut se faire attendre plusieurs années ; rien n’est construit pour eux depuis des années… (…)

 

Les bédouins payent très cher leur attachement à la terre et leur résistance à l’occupation ; ils manquent d’eau, d’écoles, d’infrastructures, et ils sont constamment menacés d’être déplacés. »

La récolte des olives

 

« C’est l’époque de la récolte des olives ; donc nous donnons un coup de main dans les villages où notre présence offre une sorte de protection pour les paysans palestiniens, qui sont souvent la cible des colons pendant ce travail.

 

Les paysans palestiniens ont des jours précis pour aller  travailler dans leurs champs confisqués ; récemment nous devions aller aider un village, mais quand les Palestiniens sont arrivés, les colons étaient déjà passés et s’étaient servis… (…)

 

Nous voulions aider une institutrice (…), mais elle pense que cette année, elle n’aura pas le permis d’aller sur sa terre, à cause des « événements » ; de toutes façons, elle expliquait qu’en général on la prévient deux jours avant, et avec des horaires très précis (…). Et dès que les paysans sont entrés, la grille est fermée derrière eux : s’ils ont un problème ils ne peuvent pas sortir (…) « On passe plus de temps à [attendre l’ouverture de] la grille que dans nos champs. » Ils n’ont droit qu’à quarante-cinq jours par an, s’ils les obtiennent… certains nous ont dit : « demander un permis pour aller sur nos terres ? Jamais de la vie », mais du coup, ils la perdent complètement après trois années sans y aller… »

 




« Etre ou ne pas être hiérosolymitain (jerusalemite)…

…Ce n’est pas la question. La question est : comment le prouver et le rester ? » Article de Claude Smith, envoyée EAPPI pour le Défap, sur la situation des Palestiniens à Jérusalem-Est.

Claude Smith est Accompagnatrice oecuménique à Jérusalem, envoyée par les Églises protestantes françaises.

 

Rue Jaffa, Jérusalem DR

Rue Jaffa, Jérusalem Ouest DR

 

« Avant 1947, la totalité de Jérusalem était palestinienne. Après la partition de la Palestine par les Nations Unies cette même année, l’ONU a qualifié Jérusalem de zone internationale. Israël a envahi Jérusalem Ouest et a établi une frontière « de facto » connue sous le nom de Ligne Verte, chassant des dizaines de milliers de Palestiniens de cette partie de la ville. En 1967, Israël a occupé puis annexé Jérusalem-Est. L’occupation et l’annexion de Jérusalem-Est sont illégales selon la législation internationale.

 

Mais bien que la communauté internationale reconnaisse cette occupation, Israël ne cesse d’agrandir la ville à son profit, en empiétant sur la ligne verte, le gouvernement installe des « colonies » en plein centre et autour de tous les villages palestiniens, rendant ainsi la ville impossible aux habitants originaires de JERUSALEM. Les Israéliens appellent cette évolution « l’unification » de Jérusalem. En 1967, cela signifiait l’accès aux lieux saints juifs, le mur des Lamentations dans la vieille ville qui avait été refusé depuis la fondation de l’Etat d’Israël en 1948.

 

Pour les Palestiniens, c’est une autre histoire. Juste après l’occupation de 1967, Israël a organisé un recensement des habitants de Jérusalem et tous ceux qui n’étaient pas dans le pays à ce moment-là  pour diverses raisons – voyage à l’étranger, études à l’étranger – ont perdu leur droit à revenir chez eux, définitivement ! D’un seul coup, plus de 40 000 Palestiniens ont perdu leur appartenance à cette ville alors que leurs familles y vivaient depuis plusieurs générations.

 

Cartes de résidents

 

Israël a annexé Jérusalem-Est et déclaré qu’elle faisait partie d’Israël. Et pourtant, alors qu’ils paient des impôts à Israël, les Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est ne reçoivent pas la citoyenneté israélienne mais doivent faire la demande d’une Carte de résident perma-nent (carte bleue) et, malgré ce terme de permanent, cette demande doit être régulière-ment renouvelée.

 

Ce statut correspond à celui d’étranger alors qu’il s’agit de personnes résidant sur leur propre terre.
Cette carte n’est transmissible ni au conjoint ni aux enfants : d’où de nombreux problèmes de scolarisation…

Les Palestiniens qui vivent à Jérusalem-Est et qui ont un enfant doivent demander au Ministère de l’Intérieur une carte de résident pour celui-ci. Israël accorde à l’enfant une carte temporaire valable deux ans seulement et qui doit aussi être régulière-ment renouvelée. Il y a actuellement environ 10 000 enfants palestiniens qui vivent sans autorisation à Jérusalem-Est et qui n’ont par conséquent pas accès à l’éducation et la santé.

 

Pour obtenir le renouvellement de cette carte, les Palestiniens doivent prouver aux autorités israéliennes que Jérusalem-Est est leur « centre de vie », qu’ils y ont une habitation, un tra-vail, qu’ils y font des études etc. Dans ce but, ils doivent fournir quantité de documents, dont l’assurance santé et des factures d’eau ou d’électricité remontant à plusieurs années, que beaucoup de Palestiniens n’ont pas.

 

En conséquence, de nombreux Palestiniens qui n’avaient jamais vécu ailleurs qu’à Jérusalem-Est ont perdu leur carte de résident.

Et, une fois expulsés, ils n’ont plus le droit de revenir. Ceux qui ont vécu ailleurs pendant plus de sept ans perdent définitivement le droit de revenir y vivre.

 

La loi sur la citoyenneté interdit aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza d’entrer à Jérusalem pour un regroupement familial. Ceci a fait que des époux ont été séparés l’un de l’autre et des enfants de leurs parents.

 

11 000 cartes de résident ont été retirées à des Palestiniens ces 20 dernières années…

Les Palestiniens sont au nombre de 260 000 environ sur 800 000 habitants de Jérusalem.

 

Le Mur de séparation dans la région de Bethléem DR

Le Mur de séparation dans la région de Bethléem DR

 

Démolition de maisons

Silwan, faubourg de Jérusalem-Est, est particulièrement visé par les démolitions et les expul-sions.
Dans ce quartier, les maisons palestiniennes sont détruites pour faire place à un centre tou-ristique et archéologique, un parc national israélien appelé « cité de David ». Ne serait-ce qu’à Silwan, plus de 1 000 Palestiniens s’attendent à la perte de leur maison.

 

Il est pratiquement impossible pour des Palestiniens d’obtenir un permis de construire. Presque toutes les demandes, dont l’enregistrement coûte très cher, sont refusées et il faut attendre parfois des années pour avoir la réponse.

Mais les familles palestiniennes de Jérusalem-Est ont besoin d’agrandir leur espace vital. Elles le font sans avoir reçu l’autorisation et doivent alors vivre dans la crainte de recevoir un ordre de démolition.

 

Ce document, s’ils le reçoivent, est assorti d’une amende. La police et l’armée israéliennes escortent les bulldozers, et les familles sont sommées de sortir de chez elles le plus rapide-ment possible en emportant le plus de biens possibles. Ils doivent payer le coût de la démoli-tion, qui peut atteindre des centaines de milliers d’euros. Ceux qui ne peuvent pas payer risquent la prison. Avec 70% des Palestiniens de Jérusalem-Est vivant sous le seuil de pauvre-té, certains sont obligés de détruire eux-mêmes leur maison.

 

Ceux qui ont les moyens, comme un de nos voisins, achètent ou construisent une maison familiale plus grande dans les villages alentours (plusieurs frères avec femme, enfants et leurs vieux parents) mais gardent leur petit appartement à Jérusalem, avec quelques af-faires, pour ne surtout pas perdre leur carte de résident. Pour venir « chez eux » à Jérusa-lem, ils doivent franchir les check points. S’ils se font attraper, ils perdent définitivement leur carte, la possibilité de travailler à Jérusalem et d’y vivre à nouveau et prennent toujours le risque de voir la maison familiale détruite. »

 




« Assoiffé de justice : Répartition de l’eau potable en Israël et Palestine »

Luc Oechsner de Coninck, envoyé EAPPI début 2015, nous livre un second témoignage sur son expérience en Israël/Palestine.

« La répartition de l’eau potable entre l’État d’Israël et les Territoires occupés de la Cisjordanie  est un problème déterminant et qui conditionne la vie des habitants de part et d’autres du mur de séparation.

Bergers en Palestine

Tout d’abord, quelques chiffres.

 

– À Londres, il tombe annuellement 596 mm de pluie par an et l’eau est répartie équitablement entre les habitants, c’est-à-dire 150 litres par jour.

– À Ramallah, il pleut 619 mm par an et l’eau est réparti comme suit : 70 litres par jour pour les Palestiniens habitant dans leur territoire occupé et 300 litres par jour pour les Israéliens, y compris les colons qui sont sur le territoire palestinien. Des nappes phréatiques situées sous les territoires occupés de la Palestine sont extraites 90 % des ressources en eau potable pour la consommation des seuls Israéliens.

– La consommation d’eau des moutons est d’environ 60 litres par jour et par mouton, sachant que le mouton est bien adapté au climat aride de la Cisjordanie – il est d’ailleurs la principale ressource économique de cette population.

– Les vaches consomment environ 140 litres par jour et par animal. Les colons israéliens ont installé dans les Territoires Occupés des dizaines de fermes laitières, en particulier dans le sud alors que le climat est semi-aride. Lors du Forum mondial de l’eau à Tokyo en 2003, il a été dit que pour produire 1 kg de viande de bœuf il fallait 13 m³ d’eau !

– Les Israéliens cultivent en grande quantité des oranges, des avocats, des salades… Toutes ces cultures consomment énormément d’eau – en particulier l’avocat qui pousse habituellement dans les pays tropicaux humides.

– Enfin, pour bien séparer les populations, il a été construit le MUR dont environ 490 km sont en béton armé et mesurant 8 mètres de hauteur (chiffres de 2011). Pour 1ml de MUR, il faut environ 0,02 m³ de béton soit en tout 10 000 m3, et pour fabriquer 1m3 de béton il faut 140 litres d’eau, soit en tout 10 000 m3 d’eau !

 

Par ailleurs, depuis 1967, dans la Zone C – la zone sous contrôle militaire israélien qui couvre 60 b% de la Cisjordanie – 97 % des permis de construire des habitations ou des puits sont refusés par les autorités israéliennes sous différents prétextes.

 

Les conséquences pour la vie et l’économie des Palestiniens sont considérables.

Avant 1967, les exportations de l’agriculture palestinienne étaient comparables à celle d’Israël. Cette occupation, qui s’accompagne de la confiscation des terres palestiniennes et de la restriction de l’accès à l’eau potable, a provoqué un déclin de leur agriculture : la production agricole de ce pays est passée de 50 % du PIB en 1968 à 5 % en 2011.

D’autre part, 500 millions de dollars US de la production agricole des colonies israéliennes rentrent en Palestine chaque année alors que la production agricole sur ce territoire est à peine de 342 millions de dollars US (chiffres de 2012).

À noter : dans la partie de ce pays sans infrastructures de distribution d’eau potable, la consommation chute à 20 litres par jour.

Enfin, l’Institut des Recherches Appliquées de Jérusalem estimait en septembre 2011, que, si les ressources en eau étaient partagées correctement, la production agricole de la Palestine augmenterait d’1,22 milliard de dollars US.

 

Piscine dans le désert du Néguev

Pendant ce temps, les Israéliens construisent des piscines dans le désert du Néguev pour attirer les touristes qui apporteront des devises à l’État d’Israël.

En conséquence, il n’est plus utile de poser la question de pourquoi l’État d’Israël implante des colonies dans les Territoires Occupés de Palestine, interdites au regard du droit international, et pourquoi le gouvernement actuel veut bien deux États, ce tout en restant dans la configuration actuelle, sans évacuation des Territoires Occupés, et si possible en construisant de nouvelles colonies dans ces Territoires. »

 

Luc Oechsner de Coninck

 

NB : Tous les chiffres et les données de ce texte sont extraits de la documentation d’EWASH qui est une fédération d’ONG et d’organisations dont ACF, l’UNOCHA, l’UNRWA et l’UNICEF.

 




Plaidoyer pour une paix juste en Israël et Palestine

Impressions de Luc Oechsner de Conninck, observateur œcuménique français, après une quinzaine de jours de présence en Palestine dans le cadre du programme EAPPI (Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israel).


Le titre du document qui présente le programme d’envoi d’observateurs chrétiens en Palestine est éloquent : « Accompagnement et espérance ».

Notre rôle d’EA (accompagnateur œcuménique, en anglais) est bien d’accompagner et de soutenir les Palestiniens et les associations israéliennes dans leurs actions non-violentes en faveur d’une paix juste entre les deux populations.

Le programme se réfère souvent au document Kairos, publié en décembre 2009 par les chrétiens d’Israël et de Palestine sur le modèle d’un document produit en Afrique du Sud en 1985, au moment de l’apartheid, par des évêques chrétiens. Ce document Kairos élaboré par des responsables chrétiens palestiniens lance un appel aux chrétiens du monde entier. (1)

Le Groupe 45, dont je fais partie, et qui est en mission de septembre à décembre 2012,compte seize nationalités différentes, représentant les cinq continents. Dans chacun des sept emplacements, il n’y a jamais deux accompagnateurs du même pays : un véritable‘melting pot’ chrétien !

Une des particularités de ce programme est de donner des priorités légèrement différentes selon les lieux de placement : pour nous à Jérusalem-Est, l’une est d’établir des contacts avec les Églises qui nous ont demandé de les soutenir, la deuxième étant d’observer de façon très vigilante les checkpoints entre la Palestine et Israël, de compter les personnes qui passent selon un planning horaire de demi-heure en demi-heure, de différencier les enfants, les femmes, les hommes, de calculer leur temps de passage et de voir pour quelles raisons le passage leur est refusé, en posant des questions précises.

En ce qui concerne les Églises, elles ne sont pas présentes sur tous les territoires palestiniens ; par contre à Jérusalem et Ramallah, beaucoup de confessions sont représentées, nous pouvons assister aux offices tous les dimanches et, par conséquent, établir des contacts personnels et fructueux, tant pour nous que pour les chrétiens locaux.

Pour le moment, après quinze jours de présence et environ une semaine d’accomplissement de nos tâches, je n’ai pas eu encore l’impression que la Terre promise soit, selon l’expression consacrée, un Crazy Land (pays de fous). Par contre, suite à la publication du film insultant le prophète Mahomet sur internet, après la prière, à la mosquée en plein air du quartier de Silwan, les discours enflammés donnaient l’impression d’un appel à la révolte (mais aucun d’entre nous ne comprend bien l’arabe). De même, lors d’une manifestation pacifique (tous les vendredis à 16h), dans le quartier de Sheikh Jarrah où les Palestiniens sont évincés au profit des colons Israéliens, nous avons ressenti une tension très nette et beaucoup plus importante que la semaine précédente. Le jeudi 20 septembre, après l’article de Charlie Hebdo, le nombre des soldats de Tsahal dans la vieille ville a énormément augmenté, il y en avait pratiquement à toutes les intersections.

Parmi nos activités hebdomadaires, nous retrouvons chaque vendredi la manifestation des Women in Black (Femmes en noir), à un croisement majeur en plein centre-ville de Jérusalem-Ouest. Elles y sont présentes de 13h et 14hdepuis 28 ans. Ces WiB sont des femmes pour la plupart israéliennes, mais pas toutes. Elles ont souvent plus de 70 ans et elles refusent l’occupation du territoire palestinien par les colons israéliens.

A ce stade de notre programme, nous avons bien avancé en ce qui concerne les activités de présence sur le terrain, il nous reste maintenant à approfondir nos relations et être présents de façon active avec les organisations non gouvernementales des droits de l’homme tant palestiniennes qu’israéliennes ainsi qu’avec les communautés comme celle des bédouins notamment à Khan al Ahmar, à 20 km de Jérusalem.

A suivre…

Luc Oeschner de Coninck, envoyé des Églises de France Programme d’Accompagnement Œcuménique en Palestine et Israël (EAPPI)