À l’occasion de l’appel à la prière lancé pour le dimanche 19 juin par la Fédération protestante de France, Marion Rouillard revient, dans « Courrier de mission », sur la situation extrêmement précaire d’Haïti. Ses invités, Laura Casorio et Sylvain Cuzent, évoquent les conditions dans lesquelles s’est tenue la 37ème Assemblée générale de la Fédération protestante d’Haïti, au cours de laquelle a été diffusé un message de soutien de la Fédération protestante de France. Et ils évoquent le rôle des institutions protestantes haïtiennes dans un pays en proie à la violence.

Image diffusée par la FPH à l’issue de sa 37ème AG © DR

Le 16 juin dernier, la Fédération protestante de France appelait toutes les paroisses de ses Églises membres à consacrer un temps d’intercession et de prière pour Haïti lors du culte du dimanche 19 juin. Cet appel avait été lancé à l’occasion de la 37ème Assemblée générale de la Fédération protestante d’Haïti, qui venait de se tenir le mardi 14 juin, et à l’initiative de la Plateforme Haïti de la FPF, dont la gestion est assurée par le Défap. Une manière de continuer à porter Haïti dans les préoccupations du protestantisme français, alors que les actions concrètes sont rendues aujourd’hui très difficiles par le contexte de quasi-guerre civile dans lequel se trouve le pays. Surtout, cette demande de prière correspondait à une préoccupation exprimée par le protestantisme haïtien ; que l’on continue à parler d’Haïti, dont les besoins sont si pressants, même s’il est impossible pour l’heure de se rendre sur place. Dans l’émission « Courrier de mission – le Défap », Marion Rouillard revient sur la situation d’Haïti et sur le contexte de cet appel à la prière, en compagnie de ses invités : Laura Casorio, responsable du service Relations et solidarité internationales au Défap, et Sylvain Cuzent, qui a été envoyé du Défap en Haïti et fait partie des personnes ressources régulièrement consultées par la Plateforme Haïti. Tous deux ont pu participer en distanciel, ainsi que les membres de la Plateforme, et en dépit des difficultés techniques, à la réunion de la FPH du 14 juin ; une réunion dont la date avait été déplacée du fait des problèmes de sécurité que connaît Haïti, et qui s’est tenue dans des conditions difficiles. La Fédération protestante de France a manifesté son soutien via un message vidéo de son président, François Clavairoly, qui a été diffusé devant l’assemblée.

Le Premier ministre Ariel Henry s’exprimant lors de la 37ème AG de la FPH © DR

Présent sur place, le Premier ministre haïtien, Ariel Henry, s’est dit conscient de la gravité de la situation du pays. Sa présence, a-t-il souligné, témoignait de la reconnaissance de l’État envers le travail de la Fédération protestante d’Haïti. Ariel Henry a ainsi félicité la FPH pour son engagement et l’a encouragée à œuvrer au bien-être du pays : « Haïti est traversée par une sévère crise sociopolitique mais surtout une crise éthique et morale. La transformation du pays passe par l’engagement de la fédération. » Le président de la FPH, le pasteur Calixte Fleuridor, a profité de sa présence pour dénoncer : « Premier ministre, on en a assez de l’inflation, de l’insécurité, du kidnapping », soulignant l’absence du vice-président de la fédération à cause de l’enlèvement de son enfant il y a six jours.

1700 écoles fermées du fait des violences

L’appel à la prière d’intercession de la FPF, émission présentée par Marion Rouillard

Courrier de Mission – le Défap
Émission du 22 juin 2022 sur Fréquence Protestante

 

Cette impuissance du politique face à la violence, et ces liens entretenus malgré tout entre le protestantisme français et le protestantisme haïtien, Laura Casorio et Sylvain Cuzent ont eu l’occasion de les évoquer largement au micro de Marion Rouillard. Comme le souligne Laura Casorio, c’est en s’inspirant directement de la FPF que la Fédération protestante d’Haïti a pu se mettre en place : car s’il existe, de par le monde, beaucoup de conseils œcuméniques, les exemples de fédérations protestantes sont bien plus rares. D’où la médaille qui a été symboliquement décernée à François Clavairoly lors de cette AG, en reconnaissance des liens établis entre FPF et FPH. D’où, également, les échanges réguliers via la Plateforme Haïti. Et maintenir ces échanges est d’autant plus important, comme le souligne pour sa part Sylvain Cuzent, « qu’il est impossible aujourd’hui d’entrer en Haïti sans courir des risques considérables d’être enlevé, tué par les gangs qui se disputent le territoire. »

« Nos partenaires, témoigne Sylvain Cuzent, nous racontent cette situation de violence extrême : souvent, ils ne peuvent pas se déplacer pour travailler. » Christon St Fort, le président de la Fédération des écoles protestantes d’Haïti (FEPH), évoque ses collaborateurs qui ne peuvent plus aller dans les écoles pour des actions de formation. L’éducation est ainsi directement victime de la violence : environ 1700 écoles sont fermées, d’autres restent ouvertes mais sont rançonnées ; d’autres encore ont embauché des gardes armés ; des enfants ont été tués dans les enceintes des écoles… Quant à la FPH, elle est obligée de restreindre son action à certains lieux moins touchés que les grandes villes comme Port-au-Prince, Les Cayes, Jacmel, ou Cap-Haïtien : notamment les zones rurales.

« Ce que nous demandent nos partenaires, conclut Laura Casorio, c’est qu’Haïti ne soit pas oublié. » D’où l’importance de rester en communion, y compris par des appels à la prière. Sachant que la crise va durer : les principaux pays qui ont des liens historiques avec Haïti, au premier rang desquels on trouve les États-Unis et la France, ont d’autres priorités aujourd’hui.

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