Dans ce pays, le Défap est en lien avec deux Églises : l’EPCR (Église Protestante Christ-Roi), membre de la Cevaa, à Bangui, et l’EELRCA (Église Évangélique Luthérienne de République centrafricaine), qui compte près de 120.000 membres dont 84 pasteurs, et œuvre principalement dans l’ouest du pays, région déshéritée et instable. Entre ces deux lieux, la capitale et la province, d’énormes disparités, à commencer par les conditions de circulation et la sécurité. Le point avec cet article de Valérie Thorin (responsable du suivi de la Centrafrique au Défap) publié dans la Lettre du Défap de février 2019.

Rencontre des partenaires internationaux de l’EELRCA – 29-30 octobre 2018 © Valérie Thorin pour Défap

 

Il y a deux Centrafrique. Celle de la capitale, Bangui, donne l’impression que les institutions fonctionnent, que la sécurité est assurée et que la paix est revenue.

L’activité urbaine témoigne d’une certaine reprise économique, perçue par le biais des services (banques, commerces, hôtellerie, restauration) et des télécommunications (le sacro-saint portable…). Les usines de transformation tournent à plein régime : boissons, sucre, cigarettes même si l’agriculture reste malgré tout le principal contributeur au PIB (pour 43% en 2017) avec le café, le coton, le palmier à huile et le bois.

La RCA engrange donc des recettes fiscales liées à toutes ces activités économiques (9,1% du PIB en 2017) mais elles restent en deçà des dépenses (14,9% du PIB), ce qui signifie une forte dépendance visà-vis de l’aide extérieure (FMI, Banque mondiale, Banque africaine de développement, Union européenne et France).

La seconde…

Pour aller plus loin :

La «seconde Centrafrique» est celle de la province. Près de 80% du pays – du centre à l’est – est aux mains des bandes armées, dirigées par des chefs de guerre se comportant comme de petits proconsuls, tout-puissants et violents. L’ouest est plus tranquille. Certes, il y a toujours des voyous qui jouent les coupeurs de routes, mais ils se satisfont en général de quelques francs CFA. À Bouar, ville où est installée l’administration de l’Église évangélique luthérienne de Centrafrique (EELRCA), les Casques bleus des Nations unies font office de gendarmerie, un blindé posté au carrefour principal en guise de dissuasion.

Et presque rien ne fonctionne : quasi-absence de réseau téléphonique, pas ou très peu d’eau courante, pas d’électricité hormis lorsque les groupes électrogènes sont en marche, quelques heures à la nuit tombée parce que le carburant doit être utilisé avec parcimonie. Les pistes sont dans un état lamentable, défoncées, inondées et les routes dites goudronnées sont souvent effondrées ; il n’y a pas d’écoles publiques sauf dans les villes et très peu d’hôpitaux. D’où l’importance du réseau que l’EELRCA a réussi à mettre en place en ce qui concerne l’éducation et la santé.

La région est grosse productrice d’or et de diamants alluvionnaires (les fameux diamants de Centrafrique…) et la forêt pluviale permet l’exploitation des bois précieux. Les trafics sont intenses. Il est fréquent de croiser des camions grumiers le soir et la nuit, alors qu’ils devraient avoir quitté les pistes à 16h30 (la nuit tombe vers 17h). Les diamants peuvent être « pêchés » par tout un chacun et les collecteurs, qui ont pignon sur rue dans la moindre bourgade, font des bénéfices de l’ordre de 1 pour 10 000…

À Carnot, préfecture et plaque tournante du commerce des pierres, certaines maisons ressemblent à des palais des mille-et-une nuits. Mais pour un sultan, 10 000 pauvres bougres se tuent au travail.

Valérie Thorin, envoyée spéciale

L’école de théologie de l’EELRCA à Baboua, l’un des projets soutenus par le Défap – 29-30 octobre 2018 © Valérie Thorin pour Défap
image_pdfimage_print