De Sarraméa à Bordeaux

 

Jonathan Tholo est originaire de Nouvelle-Calédonie, et plus précisément de son île principale La Grande Terre. Il a grandi dans les montagnes, au village de Sarraméa, au nord-ouest de Nouméa.
Arrivé il y a cinq ans, ce jeune Kanak a fait le voyage jusqu’à la métropole pour suivre des études supérieures.

Il termine désormais son Master 2 et prépare les concours de la fonction publique, catégorie A et A+.

 

Remise de diplôme (au centre, Jonathan), DR

 

Son périple l’a amené dans plusieurs villes de France : il débute son DUT en gestion des entreprises, spécialité Ressources Humaines, à Bourges, où il passe deux ans. Avec cette formation, attiré par le droit, il décide de demander son équivalence pour entrer en troisième année de droit à Tours. Il y obtient une maîtrise en droit public.

Sa soif d’apprendre ne s’arrête pas là. Apprenant que l’université de Bordeaux propose un des meilleurs masters en droit international de métropole, il s’y installe et obtient son diplôme de M2 en septembre 2015.

 

Hasard d’un chemin de vie peu commun, la directrice de ce master est l’un de ses anciens professeurs de Nouvelle-Calédonie, rencontrée lors d’un semestre de droit. C’était l’époque où il se lançait dans les démarches pour intégrer le programme ABS (NB : le calendrier étant différent entre Nouvelle-Calédonie et métropole, il avait six mois de battement entre l’obtention de son bac et le début du DUT).

ABS, une seconde famille

 

Dès le départ, Jonathan savait qu’il ne quitterait jamais son île. Se former ailleurs oui, mais pour mieux revenir et participer à l’émancipation de la Calédonie.

Une rencontre va être déterminante, celle avec Lucette Poigoune, décédée il y a deux ans et autrefois responsable du programme ABS. Elle l’a aidé à avancer dans ses démarches et à consolider son projet. Sans elle, il n’aurait peut-être pas osé se lancer dans l’aventure.

 

Les ABS au Sénat, automne 2015 (DR)

Les ABS au Sénat, automne 2015 (DR)

 

L’ « Après-Bac-Service », c’est la première étape de ce parcours hors norme.

 

Pour lui, ABS, « c’est avant tout une famille » : un groupe d’étudiants, des responsables en France, au Défap, et à Nouméa. « On a créé des liens, c’était une aventure : la préparation, l’organisation du départ, la formation, l’accueil, les rencontres etc. »

Ce sont des petits groupes soudés, dont la cohésion a grandi tout au long du parcours, et ce pour le bien de chacun.

Les rencontres ABS, deux par an, sont un moment important qui permet de se remonter le moral et de se motiver, quand l’éloignement d’avec la famille se fait trop sentir, ou que les températures chutent beaucoup…

 

ABS, c’est aussi un suivi pédagogique, qui permet à de jeunes Calédoniens de ne pas se perdre dans les démarches administratives.

« Pascale* et Elisabeth** m’ont apporté une aide vitale, car il y a toujours des petites barrières qui nous bloquent », dit Jonathan. « Le Défap a été d’une très grande aide, et Pascale fait un travail formidable ».

Jonathan répète à plusieurs reprises ce mot, « famille ». Cela fait trois ou quatre ans qu’il n’est plus dans le programme, mais il entretient toujours des liens avec les anciennes promotions. Et avec les nouvelles. Depuis sa maîtrise, son projet professionnel étant plus clair et bien cadré, il fait partie du programme « Cadres Avenir »***.

 

Les ABS au Louvre, DR

Les ABS au Louvre, DR

 

Il propose désormais son aide à Pascale pour organiser les rencontres et aider les jeunes : il est lui-même passé par là et veut apporter son expérience aux nouveaux, et faire passer des messages qui sont pour lui importants. Il n’a d’ailleurs manqué aucun rendez-vous depuis deux ans.

Il est également engagé au sein de la Fédération nationale des étudiants calédoniens, qui lance plusieurs chantiers au niveau national pour la jeunesse calédonienne en métropole.

* Pascale Audo, en charge du suivi des étudiants ABS au Défap
** Elisabeth Marchand, autrefois en charge des envoyés et du programme ABS au Défap
*** « Le Programme Cadres Avenir accompagne pédagogiquement des personnes qui, disposant d’une expérience professionnelle de plusieurs années, ont pour objectif de parvenir à un poste de cadre moyen ou supérieur nécessaire au développement économique de la Nouvelle-Calédonie et souhaitent reprendre un cursus d’études supérieures en métropole. »

Prochaine rencontre

 

Jonathan est en train de préparer la prochaine rencontre ABS avec le Défap, qui aura lieu fin février 2016 à Évian. Au programme : sortie ski et – c’est l’une de ses idées – une visite des institutions à Genève, ville qu’il connaît bien. Un programme à la fois ludique et pédagogique.

 

Une dette de cœur…

 

Jonathan insiste : dans sa culture, le respect et la reconnaissance sont primordiaux.
Il en parle toujours aux nouvelles promotions : il comprend pourquoi les politiques ont décidé de lancer le programme ABS et celui de Cadres Avenir.

 

« Je sors d’une tribu du fin fond de la montagne. Jamais mes parents n’auraient pu financer mes études en métropole. Pour nous, c’était impensable : cette vie-là, c’est pour les autres ! ABS et Cadres Avenir m’ont donné la possibilité de réaliser mes rêves. Je ne serai jamais assez reconnaissant, car ce programme a changé ma vie. Après le collège, je me suis lancé dans un BEP secrétariat, dans un lycée professionnel. Ensuite, j’ai eu mon bac général. Alors, passer d’un BEP à la préparation du concours de l’ENA, un concours pour les hautes fonctions publiques en métropole, ça paraît vraiment improbable. »

…et des obligations qui n’en sont pas vraiment

 

Avec le programme Cadres Avenir, Jonathan « doit » huit ans à la Nouvelle- Calédonie.

Pour lui, ce n’est pas véritablement une obligation : son objectif a toujours été de retourner travailler « pour le pays ». Avant cela, il lui faudra accomplir quelques années en administration centrale, mais cela ne lui pose aucun problème.

Tout cela dépendra également de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : réclamera-t-elle son indépendance ?

 

Pour le moment, il suit son chemin, comme tout métropolitain le ferait.

Une fois les compétences nécessaires acquises, il retournera là-bas, « au pays ». Parce que la base de son engagement, c’est de partager ce qu’il a reçu avec les siens.

 

image_pdfimage_print